Le Misanthrope

Une très belle performance des comédiens et de la metteuse en scène ... Un énorme plaisir, à goûter la langue de Molière ainsi déclamée Bravo ! Y aller sans réfléchir :)

Globalement on retrouve ce qu'on attend, les personnages sont bien caractérisés. Alceste est sombre, Célmène est coquette, Philinthe est philosophe, Oronte est ridicule.... plusieurs scènes comiques ont aussi un effet immédiat sur le spectateur, parce que très communicatives, il y a du surjeu mais c'est du surjeu bien employé (le marquis avec le masque de comédia). A l'inverse c'est sur la partie sérieuse de cette pièce que cela s'affaiblit. Philinthe est en tout point parfait, dans sa diction, comme dans son émotion mais on ne peut pas en dire autant d'Alceste et Célimène qui ne savent pas jouer l'amour, ou qui ne veulent pas le jouer (ou que le metteur en scène ne veut pas qu'ils le jouent). Quand l'hypocrisie, l'ironie fait des ravages, l'effet marche très bien mais quand il y a profondeur, douleur, engagement, intensité, tout s'efface dans ces scènes-là. Le baisemain en fin d'acte IV lui-même semble faux car depuis le début ils n'ont pas l'air de s'aimer. A l'inverse dans les scènes avec Oronte, Alceste comme Célimène se défendent très bien. Eliante est assez juste mais aurait sans doute été mieux distribuée en Célimène qui elle-même aurait fait une très bonne Arsinoé. Arsinoé en revanche est très peu réussie, non pas à cause du jeu de l'actrice mais à cause de ce choix de costume et de coiffure (la grosse croix de dévote autour du cou dans un tailleur qui doit avoir l'air bourgeois) réduit à néant tout le charisme de ce personnage qui pourtant n'en manque pas. Et ce problème ôte beaucoup d'intérêt à son affrontement avec Célimène. Les transitions musicales sont coupées au milieu , ce qui fait que ce ne sont plus des transitions, c'est coupé trop brutalement. Les choix de costume sont trop tranchés (Alceste seul à être en noir...) et ne laissent pas le loisir de regarder ces personnages dans le détail, de leur trouver mille petites choses. Au final, un bon divertissement mais quelques points qui m'ont manqué.

Une pièce bien transposée et justement jouée dans une petite salle qui rend les propos de l'atrabilaire Alceste et de Philinte sur les travers humains encore plus proches de notre époque.

Si vous pensiez que les grands textes dits " classiques " ne se découvrent ou redécouvrent aujourd'hui qu'à l'aune de l'ego de metteurs en scène qui les massacrent, ce Misanthrope a de quoi vous détromper ! Quelle audace finalement que de ne " rien faire ", rien sur-ajouter pour ne faire confiance qu'au texte seul ! Ici, le texte, rien que le texte, même s'il a fallu enlever quelques personnages. Les acteurs incarnent, et nous atteignent, car ils donnent à vivre leur situation. Christine Fodor, metteuse en scène et sa troupe (dommage cependant de ne même pas nous donner la distribution des rôles !) nous présentent là toute l'âpreté de la pièce de Molière dans ce gros plan intime que le petit Théo théâtre autorise. Le respect n'est pas la fadeur et ce spectacle le prouve en ce resserrement de la pièce dans une lecture exacte et fidèle. Il y a là une forme d'humilité seyante qui fait de nous, spectateurs, les partenaires d'une représentation. Après tout Molière reste un formidable auteur de théâtre qui lui doit toute sa paternité dans la description de l'éternité des maux de l'homme. Cette réalisation achève de nous convaincre de l'actualité des travers dénoncés. Merci à eux de nous donner ainsi à entendre et vivre ce texte intemporel où Molière à la primeur, et c'est tant mieux. Si ce texte nous transporte, comme un festin auquel on aurait pris part, cela est sûrement dû à ce fil invisible d'un travail pensé comme au service du théâtre et de l'auteur. Tout simplement. Bravo.