Oh les beaux jours

Comme tous les matins, Winnie se réjouit du jour nouveau. Isolée dans un lieu désert, elle parle. Sans cesse. Pour durer. A elle même, à Willie, à nous. Mais qui est Willie? Son mari? Son double? Quand Willie ne répond pas, c'est peut-être le moment où il écoute le plus. Winnie-Willie, deux noms qui sonnent si proches; recto-verso...
Winnie est enfoncée dans un mamelon de terre, un ciel immense au-dessus d'elle:ciel/terre. Winnie nous fait face. Willie est caché: présence/absence. Elle est proche (de nous), il est loin (d'elle). Elle parle (beaucoup), il se tait ou presque. Elle joue avec des objets de son quotidien, parle "depuis le moment où ça sonne pour le réveil", jusqu'au moment où "ça sonne pour le sommeil". Réveil/sommeil. Enterrée jusqu'à la taille dans la terre qui l'avale chaque jour un peu plus, elle évoque ses souvenirs, dans un temps présent, qui devrait être tragique et qui ne l'est pas.
Pourquoi? Parce qu'il y a Willie. Le personnage de Willie, qui pose véritablement un problème pour tout metteur en scène souhaitant monter cette pièce aujourd'hui, est le révélateur du personnage de Winnie. Il est son verso, son versant, son revers, son envers. On pense évidemment à l'être double de Platon, mais ici le couple Winnie-Willie, s'il est scellé par le mamelon, ne peut communiquer.

Note du metteur en scène, Françoise-Franca Cuomo: Lorsque Sylvie Jedynak me demanda de travailler sur OH LES BEAUX JOURS, je me trouvais face à un monstre du théâtre contemporain, une oeuvre énigmatique et superbe, certes, mais aussi confrontée à un vaste problème dramaturgique.
Que Sylvie Jedynak puisse être Winnie ne faisait pas de doute, et c'est son rapport intime et juste à ce texte qui m'a fait accepter. Et ensuite? OH LES BEAUX JOURS, comme toute l'oeuvre de Beckett, est au coeur même du processus de création.