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Le Rapport dont vous êtes l'Objet Cycle Václav Havel

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Centre Tchèque
Théâtre
Le Rapport dont vous êtes l'Objet Cycle Václav Havel
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" Mais, qui a donné cet ordre ? Non mais, c'est pas vrai !... "

Josef Gross, directeur scrupuleux d'un obscur service, est le témoin impuissant de l'invasion de son administration par une langue nouvelle, le pydétypède, qui croît et prospère dans les bureaux sans que nul ne la contrôle. Pis, il est l'objet d'un rapport dont il ignore la teneur, faute de connaître cette langue. Effaré, entre contestation et résignation, Gross constate que son administration a plongé dans une spirale vicieuse au sein de laquelle l'obtention de chaque document est soumise à la possession d'un autre document qu'on ne peut obtenir sans le fameux document initialement demandé.

Les nombreuses cocasseries bureaucratiques laissent voir les rouages d'une monstrueuse machine, broyeuse d'humanité. En réalité, le rapport dont Gross fait l'objet nous concerne tous, de quel rapport sommes-nous l'objet ?

On retrouve l'alliance chère à Václav Havel entre la gravité des enjeux humains et l'omniprésence des turpitudes, entre l'inhumanité la plus flagrante et l'humanité la plus simple et organique, souvent réduite à un estomac et à un gosier, à une coquetterie dérisoire, à des cigarettes et des cigares, symboles du plaisir de l'autorité.

On retrouve les motifs du jeu des répétitions et des échos déformés donnant une impression de tourbillon infernal et infini, à une cadence infernale et d'une épouvantable drôlerie. Les cours de langue assurés par Périna montrent comment l'enthousiasme le plus sincère peut se conjuguer à une naïveté touchante mais impitoyable. Encore une fois, Václav Havel, par son humour savoureux, ne juge pas ces personnages. Ils sont pris aux pièges qu'ils se fabriquent en toute bonne foi, au soleil d'un monde sans queue ni tête.

Le thème du personnage et de son double est totalement exacerbé. Balas et son acolyte silencieux, Kubch, évoquent immédiatement le double formé par les Lada ou les deux individus (Largo Desolato). Mais Havel brode ce thème avec des couleurs plus vives encore : l'administration et son corollaire bureaucratique se muent en machines à broyer les individus et leur personnalité, fabriquant à chacun un double monstrueux, tout aussi lâche et touchant que son modèle, tantôt plus fort, tantôt plus faible. Havel montre, avec la précision de l'horloger, les mécanismes d'une administration qui rend les hommes et les langues interchangeables, comme de simples rouages.

Note de mise en scène :
Le processus d'identification est au coeur de notre travail surLe rapport dont vous êtes l'objet. Le grand écart entre ce monde ubuesque et la réalité de ce monde dans lequel nous vivons, dont l'absurdité n'est que poussée à l'extrême, a immédiatement provoqué chez nous le désir d'impliquer le public totalement. Le personnage de Jojo, qui espionne les bureaux de l'administration à travers une fente dans un mur, qui sort régulièrement de sa cachette, occupée un temps par Gross lui-même, sera installé dans le public. Ainsi, les commentaires, qui seront ceux de l'espion du moment, jailliront du public lui-même, et le public sera lui-même sur scène lorsque l'espion sortira de son poste d'observation pour franchir le mur, et retrouver les autres personnages dans leurs bureaux, sur le plateau, là où ils sévissent. Une scénographie dépouillée rappelle le pillage identitaire de tous les membres de cette administration kafkaïenne.

Aucun espace n'est à proprement parler clos. En effet, les murs ont des oreilles et l'on n'est jamais véritablement seul. Gross parle sans deviner la présence de Balas et Kubch dans son dos, on entend les festivités des pots d'anniversaire organisés par Hélène, l'espion est tantôt oublié tantôt pris à parti. L'interchangeabilité des personnalités se retrouve dans la perméabilité des différents lieux. Bien que Le rapport dont vous êtes l'objet témoigne d'un certain pessimisme, son ton doit être celui d'une comédie, jouée avec la légèreté, la distance et la bonne humeur que l'on reconnaît en filigrane dans les différentes pièces de Václav Havel. Si ces personnages ont perdu une part de leur humanité, ils ne doivent en aucun cas être robotisés, mais, au contraire plein de vie. Nous nous reconnaissons, nous rions, et c'est seulement par la suite que nous ne nous avisons du caractère tragique du reflet tendu par ce miroir délirant.
Lire la suite Pour tout public Langue : français

Le Rapport dont vous êtes l'Objet | Cycle Václav Havel, les avis spectateurs

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  • Un voyage délirant dans la maison qui rend fou !

    Des retrouvailles avec la compagnie que j'avais découverte dans le même théâtre avec une proposition complètement différente pendant le festival d'Avignon ! Dans le rapport dont vous êtes l'objet c'est d'administration qui nous rend fous tous les jours qui est passée au crible avec beaucoup d'humour et de finesse ! Une pépite originale à découvrir absolument !

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    Publié le 13 déc. 2025
  • Le théâtre dans le présent ou pas du tout

    J’ai découvert la Compagnie Libre d’Esprit lors du festival Off d’Avignon cet été, avec Cœur serré. J’y avais été frappé par un jeu étonnant. Avec Le rapport dont vous êtes l’objet, la troupe m’a confirmé que ce n’était pas simplement le fruit du hasard ou d’un unique spectacle : ils réalisent un travail exceptionnel sur le jeu d’acteur. Au-delà de l’énergie et de la précision de leur interprétation, la manière dont ils abordent des sujets engagés est d’une grande finesse. Le spectacle soulève une multitude de questions, sans jamais perdre le public, et parvient même à offrir un moment beau, chaleureux et plein d’humour. Je recommande vivement Le rapport dont vous êtes l’objet : pour la qualité du jeu, pour la pertinence du propos et pour la belle expérience théâtrale que la compagnie nous fait vivre.

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    Publié le 10 déc. 2025
  • La mémoire de Vaclav Havel

    Vu au dernier Festival d'Avignon, j'ai adoré le travail réalisé par Nikson Pitaqaj sur ce texte de l'auteur tchèque qui dépeint la sotise d'une administration soviétique dont les meandres conduisent à des siuations ridicules et inhumaines. Mais pour moi, loin d'être désuète, la pièce rappelle par certains côtés des situations que l'on rencontre pas loin de chez nous.

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    Publié le 1 sept. 2016

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