La crosse en l'air et autres textes

Je me souviens avoir lu "Paroles". J'avais de Prévert le souvenir d'un poète du quotidien avec un poème pour chaque circonstance de la vie, je me souviens en avoir su certains pour les dire à mes nouvelles fiancées, en avoir dit à ma fille, en avoir dit quand j'étais seul, pour moi. Avoir chanté certaines de ses chansons, celles que tout le monde connaît. J'avais sauté tous les poèmes les plus longs, les plus insolents.

Mais un ami m'a fait relire Prévert. Je me suis arrêté sur les poèmes que j'avais survolés, je croyais pourtant les connaître mais je ne les connaissais pas. J'étais passé à côté du Prévert insolent, courageux, chroniqueur de son temps dans une écriture qui même aujourd'hui en ferait rougir plus d'un par la crudité de ses propos. Un Prévert, bien dans son temps, pas tendre avec les gens importants. Un Prévert engagé sans avoir de cartes de rien du tout. Le Prévert qui écrira : "J'écris pour quelques-uns et pour en emmerder beaucoup d'autres". Aujourd'hui dès qu'on parle de Prévert tout le monde vous dit : "J'adore !".

J'avais envie de défendre, en Prévert, l'homme qui s'engage dans la polémique. L'homme qui cacha, pendant la guerre, au 54 rue du château, ses écrits sous le linoléum et qui les oublia. L'homme dont les lecteurs ont recopié, à la main, le poème "Tentative de description d'un dîner de tête à Paris France" et se le sont donné de la main à la main. L'homme dont on a refusé de diffuser, à la radio, l'enregistrement de "La crosse en l'air". L'homme du Groupe Octobre. C'est cet homme-là qui me plaît comme homme et dont je voudrais redonner la parole.