Introspection

Il y a quelques mois, chez des voisins viennois, nous avons découvert dans les plis d'une couche de leur nouveau-né, une petite boîte en bois précieux. Partant du principe que c'est toujours ce que nous sommes qui attire ce qui nous arrive, nous n'avons pu résister au désir de regarder à l'intérieur. Et là, je vous demande de me croire, Ô miracle, nous avons trouvé le sens de la vie et les réponses à toutes les questions du monde. Pas mal, non ? Un peu ivres, nous avons décidé de jouer aux dés. Laissant faire le hasard, qui n'en est sans doute pas un, nous voilà là.

Avec la comédienne Laurence Colussi, nous avons eu le désir de servir cet auteur qui nous touche profondément. La conscience lucide qu'il porte au monde et son intégrité intellectuelle nous éclairent et nous font voir ce qui est, d'une manière unique. Son écriture complexe et limpide, sans concession, où chacun peut se reconnaître, nous perce à découvert. Elle produit une alchimie qu'il nous semble nécessaire de faire partager.

Comme pour toutes les pièces de Peter Handke, nous redécouvrons avec Introspection un théâtre dont l'originalité du style et la qualité littéraire traversent toutes les modes. En ce sens cette pièce pourrait tant par sa force fondamentale que par sa qualité formelle, s'inscrire comme une véritable oeuvre de répertoire. Ce texte fait donc figure de pièce universelle, intemporelle. Imprégnée du théâtre Allemand qui s'est construit avec la philosophie des lumières, Introspection pose l'homme au centre du monde.

Laurence Colussi va devant nous, avec une exttraordinaire partition de rythmes et de mots, vivre en temps réel une introspection : La sienne et peut-être... la nôtre. Récit miroir d'une extrême proximité, récit partagé dans l'intimité d'une femme depuis sa naissance. A travers le flux de la parole ordinaire, Introspection nous raconte sa vie, nous renvoyant implacablement à nos propres actes et à nos propres manquements. Privilégiant la matière sensuelle du verbe, Laurence Colussi, distille les mots âpres, justes et sans concession. Elle égraine les phrases qui cognent à chaque instant comme des pierres pour saisir l'homme dans ses moindres cachettes.

Portée par une conscience aïgue de la parole, la mise en scène ne doit pas faire diversion. Aussi tente-t-elle de restituer intacte la charge brute du texte, en évitant tout artifice, toute forme de "spectaculaire". Le processus est de ne rien vouloir dire, faire dire, de plus que le texte. Le défi est de restituer au plus pur, cet unique aveu.

Création Festival d'Avignon 2012
Co-production : Théâtre Darius Milhaud/Association La douce hélice