Dans la Colonie pénitentiaire

Spectacle agréable, bonne mise en scène, l'atmosphère oppressante est très bien rendue , bien chanté, bien interprété, sujet moins convenu que dans la plupart des opéras.

"...Là, à la tête du lit, à l'endroit où l'homme à plat ventre, comme je l'ai dit, doit poser le visage tout de suite, se trouve cette protubérance rembourrée qu'on peut aisément régler de telle sorte qu'elle entre exactement dans la bouche de l'homme. Ceci afin d'empêcher les cris et les morsures de la langue. Naturellement, l'homme est contraint de prendre ça dans sa bouche, sinon il a la nuque brisée par la sangle qui lui maintient le cou." A ne pas rater ; merci à chacun.

Tout concourt à l'absurdité pourtant bien réelle de la situation où l'horreur se devine et s'insinue partout, pour mieux nous interroger. Scénographie et interprétation magistrales.

Les chanteurs et les comédiens sont formidables tout comme les musiciens de l'orchestre de Lyon. Cet opéra de Glass est une expérience qui ne laisse pas indifférent et la puissance implacable de cette machine qui broie est parfois à la limite du supportable. Mais c'est une oeuvre salutaire qu'il faut absolument voir ! Chef d'oeuvre.

Ma première plongée dans le monde de Philip Glass. Qu'en ressort-il ? J'étais sceptique et j'en ressors conquise : la musique est superbe, les musiciences épatants. Si les solistes sont eux aussi très bons, j'ai trouvé que les parties chantées étaient toutefois moins pertinentes, tant dans le rapport à la musique qu'à ce qui se joue sur scène. La mise en scène de cette machine diabolique est exceptionnelle, les jeux d'ombres et de lumières servent remarquablement le propos et on est tenu en haleine face à l'absurde ingéniosité de ce qui se joue devant nous. Le théâtre n'est pas confortable mais le spectacle passe vite.

J'ai assisté, il y a 3 ou 4 ans, à la représentation de ce texte ; mais d'une manière plus "classique", simplement en pièce de théâtre. Cette présentation, beaucoup plus spectaculaire m'a moins touchée que la précédente. Peut être y avait il un peu trop "d'effets" pour moi. Par contre, la mise en musique, m'a beaucoup intéressée. Cette prestation a pris le parti d'un travail sur plusieurs plans : musique - chant - mouvements de scènes des acteurs et du décor et tous les participants se sont manifestement impliqués au maximum ; alors pouvez-vous m'expliquer pourquoi la représentation plus sobre mais plus émue ?

Beaucoup de machines à technologie moderne ont leur capacité d'exécution individuelle comme de masse démultipliée. Elles sont toujours bien servies et justifiées par des admirateurs serviles mais aussi parfois par notre seule aversion. Toute personne est placée avec l'Histoire, pas seulement dictatoriale, face à l'horreur qu'elle soit comme l'officier un rouage critique sur le fonctionnement défaillant du système ou comme l'explorateur capable d'aversion sans reconnaître la cruauté de celui ci. Il peut y avoir avec le seul privilège d'observateur que la fascination séduise. La mise en scène est parfaite, moderne comme pour nous plaquer dans l'engrenage d'emprise de cette machine. Une toujours saine interpellation de Kafka pour une résistance à conjuguer au présent.Entretenir une saine vigilance à l'encontre de toute emprise et se rebeller de la soumission exigée passe par cet opéra.

Ce spectacle est un petit bijou pour les sadiques de tout poil. Ce qui va arriver laisse songeur voire révolté quand on annonce ce qui va se passer mais avec cette musique répétitive mais écoutable et même attrayante, on finit par se laisser emporter et on attend la suite (de l'évènement ou de la musique ?). Ainsi, tout se constitue petit à petit. Avec deux chanteurs et 3 comédiens (muets) sur scène, même cette dualité sonore ne pose pas de problème : la musique porte le spectateur avide de la suite et occupé à regarder ce qui se passe sur scène (un mouvement perpétuel qui ne blesse pas, qui semble naturel, qui laisse croire que tout est normal, qui donne l'impression que tout est réglé, sans risque car prévu : la sécurité en un mot). Et puis, après l'installation de la machine, on participe au spectacle comme les femmes, toujours au son de cette musique répétitive. Rien de dangereux, que du planifié. Même le voyageur n'y trouve à redire, alors nous, les spectateurs ? et la mort, à peine masquée, fait son oeuvre dans la chair du soldat. Quoi de plus naturel ? c'est à la fin qu'on se dire "pourquoi cela ?", "pourquoi a-ton participé à cela ?" quand l'officier voyant que son oeuvre va disparaître préfère se suicider en utilisant sa machine plutôt que de vivre dans un autre monde que le sien. Cette colonie pénitentiaire nous rappelle, outre un temps pas si lointain, qu'on peut nous emmener dans une boucle infernale et nous abandonner avec nos principes loin de ce qui fait le monde de l'humain. L'interprétation des chanteurs et des comédiens est magistrale, sans fausse note, sur la base d'une musique qui met en valeur un texte fort et terriblement dangereux par sa bonhomie. Mine de rien, les musiciens, d'abord avocats (de quoi ? de la bonne société ? des bonnes moeurs ? garants par défaut de la qualité de la machine à tuer ?) deviennent des soldats comme si cela était naturel sans que personne ne s'en étonne. Les décors sont soignés (de qualité car il y a de l'argent pour ce spectacle) sans excès dans une mise en lumière efficace. On finit par sortir de ce spectacle heureux car la musique est belle et peut-être, à bien y réfléchir, honteux d'avoir participé à cette mascarade de mise à mort, mascarade car pas de procès, pas de charges retenues, rien qu'une décision d'un chef sans concertation, sans défense de l'accusé, sans justice, sans... et sans rébellion des spectateurs. c'est fort, c'est beau et c'est finalement dangereux pour nous. Bravo.

Adaptation pour l'opéra de "La colonie pénitentiaire" de F. Kafka par Rudolph Wurlitzer sur une musique splendide de Philip Glass interprétée par le quintette à cordes de l'Opéra de Lyon.Régal musical "so Glass" pour un mise en scène (Richard Brunel) sobre qui laisse à voir et entendre les tergiversations humaines face à l'abject. Très beau travail.

Une musique toujours enivrante. Une mise en scène trop présente qui détourne de la musique...