Dans la loge de Marie Dorval

Marie Dorval est une actrice qui à son époque avait une place à part. Ni très jolie, ni très distinguée, elle avait l'art de jouer vrai, de pleurer de vraies larmes et de vivre intensément les émotions de ses personnages. Dans l'intimité et la solitude de sa loge, Marie Dorval se livre sans fard à son amant Alfred de Vigny, qu'elle rend intensément présent et qui pourtant reste désespérément absent.
De son enfance nomade et miséreuse à ses rencontres avec Dumas, Hugo en passant par son amitié ambiguë avec George Sand, c'est aussi à un voyage à travers le 19ème siècle auquel Marie nous convie pendant une heure. Un témoignage authentique construit à partir de ses lettres, écrites au cours de ses tournées, où elle nous révèle le mieux sa sensibilité, son énergie immense et les vertiges de ses désillusions.

Créer un biopic pour la scène reste toujours une délicate entreprise. Tout l'intérêt de cette pièce tient aux précautions subtiles et particulières portées tant au fond qu'à la forme. Le fond, puisque l'histoire même de cette femme, à la fois fille, épouse, mère, amie, amante et actrice, nous révèle un être exceptionnel et la forme puisqu'ouverte sur un vrai moment de vie, celui où l'artiste se prépare en loge quelques instants avant son entrée en scène. Ce moment unique, fébrile et fiévreux devient un théâtre propice à la confidence. Le public n'assistera pas à un " récit truqué " mais bien à une véritable scène d'amour, entrant dans l'intimité d'une relation entre deux monstres sacrés.
Par sa dimension, son énergie, son talent et probablement les éclats de sa propre vie, Sophie Le Corre ne joue pas mais est Marie Dorval. C'est surement le miracle de cette pièce.