Un coeur réduit à un point par Marie-Jo Faggianelli

La germination commence aux premières gouttes.
La pluie elle-même durera moins d'une heure.
C'est une chute abondante, décrochée d'un seul coup comme on retourne un seau. A peine réunis, les nuages se vident et aussitôt se délitent et disparaissent.
Rien ne s'égoutte, tout est tombé, le ciel est resté nu, le soleil a son ardeur intacte et l'évaporation traîne ses fumées bleues sur le sable qui verdit. On pourrait croire à un fantôme, mais c'est d'une guerre dont il s'agit. Le végétal dispute l'eau au feu.
Là où il n'y avait rien, il n'y a plus rien encore.
Les graines rentrent sous terre
Parfois ce n'est plus dans ses draps mais avec la matière même du sommeil qu'elle se débat. Sans raison, elle lève une main et la laisse là, immobile et blanche comme un phare appuyé sur un coude. Elle s'enfouit un peu plus.
Des frissons sur sa peau envoient à faible hauteur des pincées de la charpie cotonneuse qui l'ensevelit.
Sous ce geyser modeste, je m'endors moi aussi un coeur réduit à un point

Un coeur réduit à un point créé au Choré-graphique de Tours en 1997. Dès sa création Un coeur réduit à un point était destiné à habiter toutes sortes d'espaces, notamment les espaces muséaux auxquels je destine aussi ma nouvelle pièce, Ciel intermédiaire. Un coeur réduit à un point est en quelque sorte la mémoire de Ciel intermédiaire, ce travail actuel, où le crin végétal est aussi utilisé comme support d'inspiration et élément scénographique.

A Savoir :
Participation au chapeau