Baudelaire... Vivant !

Un seul en scène qui a évolué avec un comédien incarnant ,un Baudelaire incarné comme le dirait un certain L..."c'est hallucinant!"Un moment de théâtre passionnant , exigeant mais dont on ne décroche pas !

Une heure de plaisir

Qu'ils soient entiers ou partiels, les couleurs et les sons se répondent. Les poèmes en vers et en prose, ainsi que les textes critiques de Baudelaire, comme de longs échos se confondent ! Pas tout à fait une pièce, pas tout à fait un récital (ne cherchez pas trop la logique ni le sens) : un parcours singulier et envoûtant dans l'oeuvre multiple du prince des nuées.

Un tissage de mots puissants, et le texte, complexe, devient souffle limpide et le message éclatant. Quelle voix, quelle présence ! Bravo !

Une traversée bouleversante emportée par un créateur sincère, sans fard et plein de fulgurances. Où la langue de Baudelaire renaît ... Où Baudelaire renaît ! vibrant comme "une explosion dans les ténèbres " ! Un choc esthétique et sensoriel. Une expérience rare, qui réconcilie avec la folie du monde et laisse, à la fin, sur la peau, comme un parfum d’apaisement.

Un acteur très atypique... Un peu de Luchini pour l'obsession du mot juste ? Plutôt aller voir vers Antonin Artaud et pourquoi pas Denis Lavant pour quelque chose qui touche à la racine des choses : l'élan, le souffle, la chair, la folle passion quasi-christique ou la cérémonie magique... Mais c'est d'abord une touche personnelle : le dépouillement absolu au service d’une parole incandescente. Loin de toutes les grilles scolaires et de la culture académique, j'ai pas écouté du Baudelaire... J'ai l'impression de l'avoir vu et surtout la sensation de l'avoir entendu me parler à moi, directement dans l'écrin intimiste de cette petite salle de théâtre ! C'est à la fois d'une intensité émotionnelle et d'un engagement physique profond. Le compositeur et acteur de ce fort montage expressif puisé un peu partout dans Baudelaire esthète et penseur ne fait pas semblant. Il est... vivant ! Sans tricheries. En totale immersion dans un univers surrréel il se transforme en direct en transformant les mots en expérience sensorielle très vivante. Sobre et souvent claire-obscure, sa vivacité surprenante transcende le simple mot pour devenir une sorte de transe qui renverse tous les murs et notamment le quatrième !... C'est donc très organique mais c'est vraiment un itinéraire ou un chemin spirituel en direct. Une élévation ou une ascension vers un Ciel nouveau. Une puissante humanité portée par une intensité brute qui va vers une lumière vraie... Voilà le culte du Beau et si c'est bizarre c'est tant mieux parce que Baudelaire était comme ça ! Pas un poète maudit mais illuminé !

Une voix grave, modulée, avec une expressivité qui n'a pas peur de vivre à fond les passions qui l'animent. Des pauses, des ruptures de rythme, pour laisser place à l’écho d'un mot. Des moments d’incandescence où le verbe semble jaillir directement du corps, une prière ou un cri. Il ne joue pas un personnage, il s’efface complètement derrière un montage complètement fou de textes, tout chargé de sa propre énergie vitale. Une élocution atypique et une présence très sorcière ou chamanique qui se consume jusqu'à la mort !

"Le théâtre, c'est de la chair vivante" nous rappelle Laurent. Et c'est bien de vie dont il s'agit ici : ses tourments, ses espoirs, ses blessures, ses inspirations, ses aspirations. On respire Baudelaire et la verve du comédien se mêle aux vers ou à la prose du poète sans transition, avec passion.

Moment rare d'une extrême qualité où le moment de la simple lecture est pulvérisé. En effet, Monsieur Jérôme, visité par l'esprit et la substance de Baudelaire, en osmose complète, nous insuffle, l'espace d'un instant, la substantifique âme de cet être déchiré

À quel point "Baudelaire-vivant" va-t-il vraiment au bout de ses promesses ? Peut-être justement en déjouant tout ce que à quoi on pourrait s'attendre... Tout est là pour passer un moment fort, qui parle avec les mots de Baudelaire mais dans une construction telle que ça devient complètement nouveau. Un souffle nouveau sur la pensée et la poésie recomposée dans sa diversité comme si elle surgissait de l'instant présent. C'est une invention. J'ai aimé me laisser emporter par la sonorité des mots, de la langue de Charles Baudelaire et la subtilité des associations réalisées par un personnage très sobre et très expressif. De sorte que, maintenant, je ne vois définitivement plus Baudelaire comme avant. Pas étonnant, puisqu'il est vivant et que je l'ai vu et entendu ! Voilà la culture vivante : l'art de transmettre ! C'est vraiment une belle surprise : les sensations brûlent sous le sens. Bravo total pour l'auteur-acteur !