Les soldats & Lenz

La pièce de Lenz présentée en premier nous entraîne dans la descente aux enfers d'une jeune femme rêveuse et naïve éduquée par des parents trop stricts et qui va tomber dans les bras d'un soldat enjôleur et doué pour les promesses afin de parvenir à ses fins, qui l'abandonnera sans scrupules. De là, l'histoire se répètera avec les autres soldats de la compagnie. La mère de l'un de ces jeunes hommes peu scrupuleux la prendra à son service pour l'éloigner des tentations. Mais une âme prompte à s'attacher ne renonce pas si facilement à l'amour et la jeune Marie replongera hélas pour finir bannie de tous. La pièce est à la fois remarquablement bien construite et interprétée, montrant bien les tiraillements entre les normes sociales, l'insouciance des hommes envers cette jeune femme et les élans romantiques qui vont faire basculer cette dernière dans une vie misérable. L'ensemble est très bien interprété malgré sans doute quelques coupes qui brouillent un peu la compréhension. La deuxième partie sur une tranche de vie de Lenz, auteur des soldats, écrite cette fois par Büchner, est certes récitée avec clarté et talent, mais l'on sent le temps passer, le texte se prêtant à mon sens plus à la lecture qu'à une mise en scène. L'intention de jouer un double spectacle était bonne mais pas forcément utile.

Très beau spectacle. Magnifique et terrible à la fois. Les jeunes comédiens sont très bons et bien entourés par d'excellents comédiens plus expérimentés (Isabelle Gardien, Veronika Varga, Didier Sauvegrain, Agnès Sourdillon et Olivier Dutilloy). La première pièce est une tornade. La deuxième est la caresse d'une main de pierre, qui nous fait frémir en même temps qu'elle nous écrase. Agnès Sourdillon et Olivier Dutilloy sont extraordinaires. Étant germaniste et ayant été professeur, j'ai eu l'opportunité de travailler sur la pièce Les Soldats, de Lenz, avec mes élèves. L'adaptation qu'en fait Anne-Laure Liégeois est aussi brillante que sa mise en scène. Dans le paysage théâtral, le spectacle fait aussi, je crois, figure d'exception. La chose est brute, taillée dans la chaire du texte, dans la chaire du théâtre même. En conclusion, un très beau et très épais moment de théâtre. À voir absolument ! Pour les amoureux de théâtre et les amoureux des mots !