génial
Il y a des soirées de théâtre où tout s'aligne : l'intelligence du texte, la vivacité de la mise en scène, la justesse du jeu, et ce quelque chose d'impalpable qui fait que l'on ne voit plus un spectacle, mais qu'on le vit de l'intérieur. C'est exactement ce que j'ai ressenti hier soir en découvrant Mille francs de récompense, pièce rare de Victor Hugo, brillamment revisitée par Arnaud Fiore.
Ce texte, souvent méconnu, trouve ici une seconde naissance. La mise en scène, contemporaine sans être clinquante, ancre l'histoire dans un présent palpable, sans trahir la profondeur ni la poésie de Hugo. Tout est d'une clarté saisissante, comme si le propos — social, moral, intime — avait été écrit pour aujourd'hui. L'équilibre entre fidélité au texte et regard neuf est tenu avec une finesse remarquable.
La direction d'acteurs d'Arnaud Fiore est un des grands atouts du spectacle. Il connaît la mécanique du plateau, mais il travaille surtout dans le vivant, dans le souffle, dans l'écoute. La mise en scène n'est jamais démonstrative. Elle laisse la place à ce qui compte : la parole, les corps, les enjeux, le public.
Sur scène, six comédiens d'une cohérence rare, tous différents, tous remarquablement engagés. Chacun porte un fragment du récit, et l'ensemble forme un tissu dense, habité, terriblement humain.
Arnaud Fiore, aussi comédien, est d'une intensité discrète, toujours au service du rythme collectif. Il ne cherche pas à dominer la scène, il l'habite. Il guide, il respire avec elle.
Sophie Perron, magnifique de justesse, incarne son rôle avec une sensibilité aiguë. Chaque inflexion de sa voix, chaque regard contient une histoire. Elle est là, pleinement, sans filtre, sans artifice.
Raphaël Duléry, précis, solide, charismatique, installe un personnage à la fois ancré et vibrant. Il joue avec force, mais toujours avec nuance.
Tess Lepralls, lumineuse, déploie une énergie vive et naturelle. Elle sait faire rire sans jamais désamorcer l'émotion. Elle donne au texte une vitalité rare.
Sylvain Gavry, apporte au spectacle une présence à la fois drôle et grave, un équilibre délicat qu'il tient du début à la fin avec une élégance remarquable.
Stanislas Bizeul Zebrowski, enfin, joue avec une intensité instinctive, presque animale, et pourtant toujours maîtrisée. On sent chez lui un engagement total, une générosité brute et sincère.
La pièce parle de justice, d'argent, de pouvoir, de rédemption. Mais elle parle surtout de l'humain, dans ses contradictions, dans ses luttes. Et ce qui pourrait être un simple drame devient, grâce à cette équipe, un théâtre profondément vivant, accessible, généreux, vibrant d'humour et de vérité.
Une adaptation courageuse et réussie, portée par une troupe à l'écoute les uns des autres, et du monde. Une oeuvre qui honore Hugo en lui redonnant une voix d'aujourd'hui — une voix claire, directe, bouleversante.
À ne pas manquer.
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