Anéantis

La mise en scène de ce texte intense et profond, chargé d'émotion, censé ébranler le spectateur par sa justesse et sa violence sidérante, est très décevante. On s'attendait bien sûr à voir peu de moyens, ainsi que la prise en charge des scènes violentes par une narratrice. Mais petits moyens ne signifie pas absence d'émotion et contresens. On ne croit pas une seconde au personnage de Cate, qui débite ses répliques sans penser un mot de ce qu'elle dit, le comédien qui interprète le rôle de Ian est quant à lui beaucoup plus crédible, et on regrette qu'il soit si mal dirigé. On a tout bonnement l'impression d'assister à un "filage", une lecture de répétition, les récits de violences sont bâclés, ils feraient presque rire. Il n'est pas plus mal que tout soit vite dit finalement, mais enfin, lorsque la didascalie précise "un temps", il ne suffit pas de le dire, peut-être faudrait-il encore le faire sentir. Le public est dans une distance complète, aucune émotion ne circule. On se contenterait sans trop être en colère de cette "lecture", si le metteur en scène n'avait pas fait des choix révoltants, en transformant notamment complètement la scène finale : Cate est la seule part d'humanité restante, et la voilà transformée en vengeresse perverse, achevant Ian alors qu'elle le sauvait. Or Sarah Kane finit toujours par sauver quelque chose à la fin de ces pièces. Il n'y a donc presque rien à sauver dans ce sectacle.