Matériau 14, ombres portées

Tout ça vient de nos grands-pères...
L'un racontait, l'autre pas.

Mais chacun à leur manière, ils nous ont transmis la mémoire de cette Grande Guerre qui a volé leur jeunesse et hanté notre enfance. Et puis ils ont disparu.

Alors, ne restent plus que ces boîtes qu'on découvre, pleines de lettres, de cartes, de photos...
Et l'envie, un siècle plus tard, de transmettre nous aussi quelque chose de ce qu'ils ont laissé. D'essayer de comprendre pourquoi leurs souffrances et leurs espoirs nous sont encore si proches.

Nourri depuis mon enfance par l'histoire de ma famille et des guerres qui ont fracturé leurs destins, je veux parler de ces cicatrices que je porte au fond de moi.

Quel est le système ou la force diabolique qui guident les hommes et les poussent par moments à sacrifier leurs enfants ? C'est l'envie de parler de la valetaille, du peuple, de la chair à canon, de la chair à patron, comme hurlait une ouvrière licenciée. De ceux qui meurent, de ceux qui s'engraissent.

La vie humaine a reperdu de sa valeur sur les marchés d'actions, certains spéculent à la baisse non plus sur les hommes mais sur les peuples...

Pour la classe dominante, combien valait la vie du jeune soldat anglais pendant que les lords augmentaient leurs exportations dès 1915 ?
A travers la guerre 14-18, mon grand père, l'Indochine, mon père, c'est toute cette viande humaine sacrifiée.

Quelles traces laissent-elles, toutes ces barbaries ?
Cette violence à l'intérieur, comme héritée de mes ancêtres...

Petit-fils de mon grand père zouave, je tenterai d'apporter mon témoignage singulier en hommage à celui qui croyait à un avenir meilleur, celui qui m'a fait croire en l'homme. Roland Gigoi.