Dîner Conférence

Dominique Vibrac, Historien et philosophe, enseignant et conférencier, propose une réflexion originale à partir de deux héros de fiction, mais si vivants : Sherlock Holmes et Hercule Poirot.

L'un et l'autre, inspirés en partie, au départ, d'un personnage existant, génies de la déduction logique, dotés de petites cellules grises hors du commun, détectives aux prises avec une police bien moins douée qu'eux mais avec laquelle ils savent composer, s'inscrivant dans une période historique à laquelle il est fait fortement référence, fins psychologues mais étrangement décalés. Last but not the least, ils sont tous les deux assistés par un personnage faire-valoir : le Docteur Watson et le Capitaine Hastings.

Leurs créateurs, Sir Arthur Conan Doyle et Dame Agatha Christie ne les supportaient plus au point de souhaiter les voir morts, et de les faire en effet disparaître. Toutefois, dans une Angleterre qui n'est plus la même, victorienne pour l'un et plus récente pour l'autre, de nationalités différentes, britannique pour l'un et belge pour l'autre, de caractères dissemblables, dans l'excès pour l'un, dans la mesure obsessionnelle pour l'autre, artiste convulsif ou dandy vaniteux, fumant la pipe ou taillant sa moustache, nos deux héros ne suscitent pas chez tous un égal enthousiasme.

On préfère souvent l'un ou l'autre, ce qui ouvre le jeu des comparaisons. Faut-il alors organiser un Camp du Drap d'Or entre le francophone et l'anglophone ? Ou plutôt, voir en eux deux frères et donc deux rivaux, par leur proximité même? Sherlock et Hercule, ou plutôt Shercule et Herlock, sont comme les deux faces irréductibles d'une imagination qui vous entraîne jusqu'au plaisir final de la révélation inattendue. En eux, c'est notre intelligence qui prend corps et se dépasse elle-même. Nous dépassant, ils nous élèvent aussi. Il faut imaginer Sherlock et Hercule heureux. Et nous avec.